Un haut niveau social de la clientèle

Il faut savoir qu’au XIX è siècle, l’homme atteignait sa majorité à 25 ans et la femme à 21 ans. Ils ne pouvaient contracter mariage avant d’être majeur sans le consentement de leur père et mère. Or, l’âge moyen des personnes qui avaient recours aux agences matrimoniales était de 21 ans pour les femmes tandis que le tiers des hommes avait plus de 40 ans. Les parents étaient donc souvent impliqués dans la commercialisation du mariage de leur fille qu’ils promettaient à un homme beaucoup plus âgé qu’elle.
Sur les registres des agences matrimoniales, on peut s’étonner de trouver comtes, marquis et baronnes qui évoluaient jusqu’alors dans un milieu très fermé. Madame de Saint-Just, fondatrice de l’Institut matrimoniale de France en 1873, se donna pour mission d’unir les meilleures familles nobles et bourgeoises qui seront à l’origine « d’une race nouvelle, forte et saine, où les vertus domestiques s’unissent aux chevaleresques ». Cette noblesse désargentée voulait redorer ses finances en offrant un titre en échange d’un mariage lucratif. De son côté, la bourgeoisie alors en pleine ascension, cherchait à maintenir, voire à accroître sa fortune par le biais du mariage. Notaires, pharmaciens, propriétaires inscrits, annonçaient une fortune moyenne de
150 000 francs (l’équivalent de 450 000 euros) tandis que la cote financière des femmes, dont la dot moyenne approchait les 100 000 francs (environ 300 000 euros), était mise en avant ; et pour compenser une faible dot, il était précisé soit qu’elles avaient des « espérances », soit qu’elles étaient d’une grande beauté… Quant à la classe populaire, elle resta longtemps éloignée de cette pratique matrimoniale. Pour des raisons financières, le concubinage était fréquent et l’âge au mariage reculé pour éviter les naissances successives.

Un succès qui ne se dément pas

Si beaucoup d’agences matrimoniales exerçaient leur métier honorablement, certaines pratiquaient effectivement l’escroquerie au mariage. Cette profession inquiétait et voyait, par conséquent, le discrédit peser sur sa réputation. Plusieurs juristes contestèrent la légalité de l’entreprise et certains tribunaux allèrent même jusqu’à conclure à la « nullité du contrat de l’agent matrimonial ». Le procureur Dubois déclara en 1850 : « Il nous semble que l’intervention d’un tiers ôte quelque chose de son prestige à cet acte suprême de la vie ». Non seulement ces agences mettaient à mal le rôle réservé à la famille bourgeoise de présenter les partis, mais elles salissaient l’idéal amoureux, exalté par le Romantisme. La littérature s’empara du sujet, souvent avec ironie, et le vaudeville mit en scène des coureurs de dot sans scrupule, des courtiers malhonnêtes et des femmes accablées par des difformités…
Pourtant, malgré cette réputation sulfureuse, le succès des agences matrimoniales se confirma. En 1854, 25 % des mariages parisiens en étaient issus, affirmait le journaliste Taxile Delord. Cette tendance ne fit que s’accélérer dans la seconde moitié du siècle et le politique aussi s’en mêla lorsque le souci de la dépopulation le conduisit à encourager le mariage par tous les moyens.
Dans notre société individualiste où 1 personne sur 4 est célibataire, rencontrer celle ou celui avec qui partager sa vie peut devenir une réelle préoccupation pour certains qui souffrent de solitude. Actuellement, il existe en France près de 2 000 agences matrimoniales qui ont, pour la plupart, une réputation irréprochable. Elles sont une alternative aux sites de rencontre impersonnels : les prestations proposées, l’accueil, l’accompagnement personnalisé et la prise en charge des rendez-vous sont appréciés des adhérents qui se sentent sécurisés par le cadre qu’elles leur proposent.

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Sources :
Dominique Kalifa, L’invention des agences matrimoniales, L’Histoire, 1 juin 2011
Claire-Lise Gaillard, Le courtage matrimonial : une mise en perspective historique, 4 décembre 2013